Mon parcours
Quand j'étais enfant, j'étais une petite carioca...
J'ai grandi sur les plages de Rio de Janeiro, avec le suave portugais comme langue de mon quotidien, et le jeito comme credo pour résoudre les différents...
Et puis j'ai du suivre mes parents, de ville en ville, de pays en pays, sur deux continents, et mon enfance est restée là-bas.
Je suis alors devenue une bonne petite soldate.
Quand j'étais ado, je suis devenue une petite rebelle en herbe...
Je me suis mise à picoler, à expérimenter la vie, cela va de soi.
Quand j'étais étudiante, puis jeune femme, je me croyais promise à une belle carrière de cadre. De cadre du développement, car j'avais plein d'idées et l'envie de changer le monde. Et j'ai commencé à le faire. Je suis retournée au Brésil, tendre et cher Brésil de mon enfance. J'ai retrouvé les plages, la langueur, le fatalisme, la gentillesse, le jeito brasileiro, et cette détestation de l'esclandre si caractéristique. J'ai découvert les bidonvilles du Nordeste, et essayé d'y contribuer, à ma mesure, avec mon bagage théorique et ma connaissance instinctive de ce pays, qui était aussi devenu mon pays, vingt ans auparavant...
Et puis, quand j'ai eu trente ans, après deux années lumineuses, tout s'est arrêté.
Je suis revenue du Brésil, comme j'y étais partie, seule et avec mes 70kg de bagages en soute. J'ai atterri près de Grenoble, la ville qui m'avait vue naître - un peu par hasard - comme beaucoup de choses dans ma vie. Sans travail, sans voiture, ni même un vélo, mais un.e ou deux ami.es.
Et c'est là par de froides nuits de 2002 que j'ai commencé à créer.
En papier mâché, ne me demandez pas pourquoi... Et avec des coquilles d'escargot, des rouleaux de carton et des allumettes comme base à mes premiers animaux.
Et voilà, tout est reparti de là, de mes origines. J'ai bien sûr rempli des couleurs d'Amérique Latine mes premières créations.
Depuis, je n'ai plus bougé de Grenoble. Je m'y suis toujours vue un peu comme une baleine échouée dans ces montagnes, la gueule dans un lac. Allez savoir pourquoi cette image m'accompagne.
A Grenoble, j'ai voulu en premier trouver un travail sérieux, mais ça n'a pas marché. Puis, j'ai voulu faire de la sculpture mon travail, mais ça n'a pas marché. Finalement, j'ai trouvé un travail alimentaire stable, et je continue à sculpter, ancrée dans la matière.
Je veux maintenant concilier les deux.
Je suis sculptrice et je suis aussi autre chose. J'ai toujours eu plusieurs vies, ça n'a pas changé. On a tous plusieurs rôles, si l'on y pense bien. Moi, je suis une artiste, en plus.
Ma sculpture a évolué, et traversé plusieurs phases. A l'origine très gaie et ancrée dans le modelage en papier mâché sous ses différentes formes, je suis passée des vives couleurs acryliques au papier kraft. Puis je me suis essayée au bronze lors d'un séjour au Burkina Faso, en 2008 et par la suite j'ai continué à explorer - à quelques précieuses occasions - ce matériau si diamétralement opposé au papier.
J'associe depuis plusieurs années les ceps de vigne au papier mâché, et je sculpte toujours les corps, dans tous leurs états d'âme. Mes corps partiellement torturés qui veulent garder la face, et leurs visages s'y emploient. Les animaux je les avais abandonnés il y a bien longtemps...
J'ai construit ma vie à Grenoble, une vie d'artiste si l'on peut dire, partagée entre fêtes, amitiés, travail alimentaire, sculpture et quelques écritures à mes heures perdues.
Depuis les confinements, je me suis lancée dans l'apprentissage de nouveaux médiums : l'argile (et son contact si sensuel, et ses potentialités considérables, si précises), depuis 2020 puis la terre-papier, depuis 2022 (qui fait une excellente jonction de mes deux médiums de prédilection) et poursuis l'exploration des corps.
Sculptrice par essence et très attachée aux volumes, je m'autorise désormais quelques incursions dans la représentation en 2D, pour poser sur le papier quelques mythes ou représentations mentales qui me hantent...
Et je m'autorise aussi désormais, depuis 2022, de transmettre ce que j'ai appris par moi-même au fil de ces années les mains dans la matière, à ceux.celles qui ont envie de s'y essayer...
Dans mon parcours, au final, j'ai toujours pris les chemins de traverse.
Je n'ai jamais emprunté les autoroutes et rarement les lignes droites, et ça n'a pas changé. Mais en fin de compte mon tortillard chemin m'a fait rencontrer l'art sur ma route, et ça c'est un magnifique cadeau !
"Caminante, no hay camino. Se hace camino al andar"
Antonio Machado
Bisous, beijos, besos, baci !
Sôniac