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Sôniac

L'expérience du bronze, partie 1, Ouagadougou

27 Septembre 2013 , Rédigé par Soniac Publié dans #Techniques

En mars 2008, j’ai fait un voyage en Afrique, pour rendre visite à mon amie d’enfance Carole, installée à Ouagadougou, au Burkina-Faso.

Je n’avais pas de programme très précis pour ce court voyage de deux semaines, et Carole m'a emmenée dans un lieu magique : chez Madi.

L'expérience du bronze, partie 1, Ouagadougou

Madi est ce que l’on appelle au Burkina un « bronzeur », entendez quelqu’un qui fond le bronze. Il habite un quartier non-loti (autrement dit bidonville) de la capitale, où il a installé à l'abri du soleil un atelier bordé par les bougainvilliers. Sachant que je faisais de la sculpture, il m’a proposé de m’essayer au bronze.

Madi et moi (travail de moulage)

Madi et moi (travail de moulage)

La technique de la cire perdue est la suivante :

  • on modèle en premier le personnage dans un mélange d'argile et de crottin d'âne, qu'on laisse sécher au soleil.
  • Ensuite, on le recouvre d'une fine couche de cire d'abeille, on lisse et sculpte les détails.
  • Puis on réalise un moule dans le même matériau que la sculpture originelle : avec ce mélange d’argile et de crottin d’âne. Ce matériau rudimentaire a l’avantage de résister à de très fortes températures grâce au crottin d'âne. Le moule devra comporter des cheminées permettant de recevoir le bronze.
Le début du moulage du nu d'homme assis.

Le début du moulage du nu d'homme assis.

Le moulage avance...

Le moulage avance...

Une fois le moule terminé :

  • on fond le bronze : on chauffe à très haute température (1200°C) le mélange des métaux, il devient liquide et on le coule alors dans les moules (par les cheminées). Le bronze vient alors remplacer la cire qui fond dans le moule...

C'est la technique de la cire perdue, le moule ne servant qu'une fois, car on le casse pour récupérer la pièce. Cette technique est très ancienne, et peu coûteuse. Et c'est excellent !

Mais pour revenir au fil de mon apprentissage avec Madi, j’ai bien sûr découvert la technique au fur et à mesure des étapes, en faisant !

Le creuset en préparatif.

Le creuset en préparatif.

Le dimanche, à la tombée du jour, par une quarantaine de degrés de température extérieure, nous avons attaqué la fonte du bronze. Le bronze utilisé est en fait un mélange de divers métaux, provenant d'utilitaires de récupération : tuyauterie, câbles, robinets... et autres trucs achetés au poids. Le tout est fondu dans un creuset en terre et cela dégage une très belle lumière verte claire.

Le bronze, avant la fonte.

Le bronze, avant la fonte.

Le creuset en feu.

Le creuset en feu.

Le creuset en feu, vu de dessus...

Le creuset en feu, vu de dessus...

Ensuite, à l'aide d'une boîte de conserve renforcée, scellée à un manche, Madi a coulé le bronze incandescent dans les moules. Le bronze sèche assez vite. Il faut attendre quand même un peu pour casser les moules et découvrir les sculptures, à la lumière d'une lampe à huile.... Par chance, mes 4 pièces ont passé l'épreuve du coulage et sont ressorties entières !

Madi coule le bronze.

Madi coule le bronze.

Le coulage, vu de près...

Le coulage, vu de près...

Ça a été un moment très émouvant que de voir apparaître mes pièces à la faible lueur de la lampe à huile, sur la poussière du sol en terre battue.

On casse le moule.

On casse le moule.

Le lendemain matin, par contre, c'était l'heure du fastidieux travail de polissage du bronze. Là, tout de suite, c'est moins drôle : il faut frotter et frotter encore avec des limes à métaux, à l’huile de coude. Car évidemment, nous sommes en Afrique, l'outillage est donc pour le moins rudimentaire, vous vous en doutez ! Mais l’avantage c’est que Madi a des assistants qui m’ont aidée dans ce laborieux travail.

Le travail de polissage.

Le travail de polissage.

J'ai réalisé lors de cette séance presque "initiatique" une petite série de nus : deux nus de femmes africaines de trois quart buste, un nu d’homme assis et un nu de femme allongée sur le dos aux jambes très écartées. Ces pièces ont mis de l'animation dans l'atelier, où il y avait toujours quelques personnes qui viennent discuter et voir ce qu'il s'y passe. Je crois que je les ai choqués un petit peu, ou peut-être ont-ils fait semblant de l’être…

Et de fait, les assistants de Madi affectés au polissage commençaient à mettre leur touche personnelle sur l’une de mes pièces : l’homme assis. En effet, traditionnellement au Burkina, on représente les hommes et femmes en bronze de façon très longiligne. Ils avaient donc tendance à effacer tous les muscles que j’avais dessinés et à lui limer le sexe également… Je suis intervenue et ils ont accepté, un peu étonnés, de lui laisser ses muscles.

Carole se colle au fastidieux travail de polissage, sous le regard bienveillant d'un ami musicien.

Carole se colle au fastidieux travail de polissage, sous le regard bienveillant d'un ami musicien.

Au Burkina, il est fréquent que les bronzeurs conservent leurs pièces brutes, sans que le bronze - bien jaune au sortir du travail de polissage - ne soit patiné.

J’ai donc décidé de garder ma petite série de pièces burkinabés en l’état, moi aussi. Elles sont donc rutilantes !

Voici le résultat : un nu d'africaine, vu de face.

Voici le résultat : un nu d'africaine, vu de face.

Et le même, vu de dos.

Et le même, vu de dos.

Je garde un très beau souvenir de cette découverte du bronze à Ouaga. Madi est quelqu’un d’adorable et de très ouvert. Il a partagé son savoir-faire avec moi en toute amitié. Je lui dédie cet article, et l’embrasse par-delà la mer Méditerranéenne.

Ce voyage et cette expérience du bronze m'ont rempli la tête de couleurs, de chaleur et de poussière, et m'ont donné l'envie de faire plein de choses à mon retour en France. Merci à tous ceux qui y ont contribué !

La photo-pose souvenir finale, pas très heureuse mais à cette époque, je photographiais encore avec un argentique, en une seule prise de vue...

La photo-pose souvenir finale, pas très heureuse mais à cette époque, je photographiais encore avec un argentique, en une seule prise de vue...

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