Le fruit de mes cogitations nocturnes au lieu d’être allée boire des coups ce soir avec les potes
Je ne sais pourquoi ce soir – justement – je repense à tout ça. Sans doute une trop grande agitation cérébrale en cette journée, pourtant ensoleillée et printanière, me mènent à réfléchir à mon art en cette heure déjà tardive. Je devrais dormir mais j’ai envie de vous livrer ce que j’ai en tête.
A mes débuts quand les gens me demandaient ce que je faisais, je répondais « je fais du papier mâché ». Et il m'a fallu du temps et des remarques d'amis pour que je comprenne à quel point cela résonnait creux et infantile chez mes interlocuteurs.
Si aujourd’hui je me définis comme une "sculptrice", je suis et reste, encore et toujours ça : une sculptrice du papier mâché. C’est ma base, mon ancrage. J’y tiens et je ne vois moi-même clairement pourquoi que ce soir, après plus de 15 ans de pratique.
L’art de sculpter en papier mâché requiert une structure particulière, et c’est là toute sa singularité. En premier lieu, il faut façonner la structure – l’armature en grillage, ou en fil de fer, ou en papier froissé. Ensuite, il faut recouvrir cette structure d’une peau – en papier journal ou kraft. Enfin, vient le temps de la finition – les traits du visage, les cheveux, vêtements ou motifs, à la peinture me concernant. Et je comprends ce soir à quel point cette structure résonne en moi. A quel point cela fait écho à ma représentation d’un être humain ou tout simplement animal. J’avais créé très jeune de petites choses en terre déjà, et je reconnais que le contact est très sensuel et agréable. Mais c’est un peu trop malléable pour moi.
Moi, j’aime cette contrainte des éléments utilisés, sans doute parce qu’elle me semble symbolique, parce qu’en vrai sinon, dans ma vie, je n’aime pas du tout les contraintes. Mais disons que là justement, dans ma création, ce que j’ai trouvé dès le départ, c’est un ancrage : car la sculpture quelle qu’elle soit est faite de matière et de centre de gravité, et celle-là en plus de toute la patience requise bien sûr, est faite des 3 étapes expliquées ci-dessus. Et ça je l’ai compris intuitivement, dès mes premiers petits animaux réalisés dans cette chambre froide par de tristes hivers isérois, était-ce en 2002 ou 2003… (?)
Alors, les 3 constituants de cette structure m’apparaissent un reflet de comme nous sommes faits : de chair, de sang et d’esprit, paraît-il. Ou de corps, d’esprit et de cœur, va savoir. Ou d’un moi qui est, paraît et voudrait être… Ou de ce que nous semblons être, ce que nous croyons être, et ce que nous sommes vraiment à l’intérieur… Bref, ça me parle, la trilogie remarquez ça parle toujours, ce doit être culturel.
Que dire encore encore ? Que j’aimais aussi dès mes tous débuts cette idée dans le papier mâché, d’utiliser des matériaux voués au rebut, ou peu nobles. Au départ, dans ma froide chambre iséroise je ne créais exclusivement qu’à partir de choses récupérées à droite à gauche, dans la maison, ou plutôt autour de la maison. Mais revenue en ville, j’ai bien dû acheter grillage à poules, fil de fer et colle à bois, toutes choses introuvables dans ma colocation de fêtards. C’est un peu dommage ! Mais je suis encore contente de recycler dans mes sculptures 100 % du papier utilisé, grâce aux journaux qui existent encore en support papier (ouf!) et à un stock de papier kraft donné par une copine il y a belle lurette, et sur lequel je tourne encore.
Pour ce qui est du papier, j’aime rappeler qu'il a été un matériau très noble – tout comme le papier mâché – à ses débuts, mais aujourd’hui malheureusement, il est en passe de perdre ses dernières heures de gloire face aux écrans, semble-t-il, enfin il s’agit là d’un autre débat…
Maintenant que j’écris ce texte, justement, j’ai quelque peu bifurqué dans mon art, en ajoutant au papier mâché une base en bois, le cep de vigne. Bien sûr, le prolongement des matières est évident...
Pour le reste, il me faudra sans doute encore souvent éviter de sortir tard le soir boire des coups avec les potes pour trouver ce que les ceps symbolisent pour moi, vraiment...
Bonne soirée, à toi, lecteur !